C’est au CHÂTEAU SAINT MARTIN à Vence, le 29 septembre dernier, que s’est déroulée la remise des « coups de cœur » 2008 de Terre de Provence ; sept chefs de la région ont été honorés cette année pour leur cuisine moderne, inventive et proche du produit :
Philippe Perd a choisi le bon ticket avec l’arrivée de Yannick Franques qui prend les commandes des tables de ce lieu magique après un bref passage au Mirabeau à Monte-Carlo. Avec Ducasse et Christian Constant comme mentors, Franques cultive l'excellence. La table gastro du château, le Saint Martin, installée dans un des petits salons, ferme deux jours par semaine et limite le nombre de couverts pour optimiser le qualitatif. Franques articule sa carte autour des produits de saison. Beaucoup de précision et de goût pour cette cuisine épurée. Haute couture au Saint Martin, le Château a l'ambition de cultiver l'excellence.
Dans ce palace à l’écart du remue-ménage tropézien, Jean-Michel Belin laisse éclater son talent. Brillantes déclinaisons d’une Méditerranée matinée d’Orient. Ca swingue dans les assiettes. Belin maîtrise son sujet à merveille et offre au Var l’une des tables de haut vol. De ses voyages il a ramené la maîtrise des épices et des saveurs sans lourdeur. Dans cet écrin feutré, on goûte ici à la haute couture de la Côte d’Azur.
Sans bruit, à pas feutrés, Thiercelin impose la villa comme table de référence du Golfe. Taridec ayant jeté l’éponge, qui mieux que cet orfèvre des assemblages pouvait péréniser la haute- couture gastronomique en terres tropéziennes. Légèreté, produits, goûts tranchés, ne cherchez pas une table sur le Port, c’est ici à la Villa Belrose que se cultive l’excellence à prix raisonnables pour le lieu et la table.
La bonne surprise de l’ année en territoire Haut-Alpin. Xavier arrive en autodidacte dans le milieu des tables du Sud. Le restaurant situé dans les caves voûtées du rez-de-chaussée de cette vieille demeure offre un cadre, melting pot d’ancien et de contemporain. Cette cuisine créative, respectant le produit, fraîche et spontanée, offre une bouffée d’air au pays du Guil. Mousses de légumes, carré d’agneau et aubergines fourrées au citron, tapenade.
Alors qu’il aurait pu se contenter de mener cette superbe maison bourgeoise avec une cuisine sans histoire, Gérald n’a cessé de se remettre en question, d’épurer, de rendre sa cuisine contemporaine tout en puisant dans l’essence des produits, avec bien évidemment la mer comme fil conducteur. Anémone, pêchée à quelques mêtres de fond pour réduire le goût iodé, rouget de roche, loup de ligne, chapon, girelle saran, mostelle, Passedat puise dans la mer toute proche le meilleur qui l’inspire dans la création de sa carte. De sa formation chez Trois gros ou Guérard il a gardé la rigueur et la technique, et de ses rencontres avec Sartre, Simone de Beauvoir, Jim Harisson, il a trouvé le chemin de l’accomplissement sans tabous, ni frontières. Le résultat, Le Petit Nice est après Le Louis XV d’Alain Ducasse la deuxième table de Provence Côte d’Azur à obtenir trois étoiles au Michelin et surtout l’engouement d’un public quasi unanime.
Eric Sapet a repris la Petite Maison de Michel Mehdi. Le cadre sublime perdure. Intérieur chaleureux, treille provençale devant le plus grand lavoir de Provence. En cuisine, Eric n'a plus rien à prouver, lui qui a animé des cours de cuisine à la Mirande, dirigé les tables du Mas des herbes Blanches et du Moulin de Lourmarin. Par dessus tout il aime partager sa passion pour la cuisine et les produits de Provence. Lui qui est capable de passer des gambas à la vanille au lièvre à la royale possède un talent qui n’a d’égal que sa gentillesse. Le menu de cette Petite Maison tenue par un grand chef change chaque semaine collant parfaitement au marché (Charlotte d'asperges garnie de chair de tourteau, mayonnaise au curry, aneth et pomme, sorbet de concombre et huile d'olive ; Filet de loup sauvage de Méditerranée doré sur sa peau et rehaussé d’une râpée de poutargue, brunoise d’artichauts sautés aux câpres et citron ; Carré d’agneau rôti en croûte de noix, bouquet de légumes “retrouvés”).
Après une période d'adaptation à cette demeure d'exception au glorieux passé écrit par Roger Vergé, Llorca change la donne. Capacité du restaurant réduite à une cinquantaine de couverts, haute couture pour le gastro sur la base de l'art culinaire avec un vis à vis, plats, créations. À chaque saison, Alain Llorca convie un artiste à créer une oeuvre inédite inspirée de sa collection et vice-versa. Trois ou quatre collections annuelles s'enchaînent. Des plats ciselés où couleurs, matières, formes jouent avec les saveurs. Armé de tout le talent qu'on lui connaît Llorca retourne à l'essentiel (Homard breton rôti dans son beurre mirepoix de fruits de saison, guacamole de belotta ; Ravioli à l'oeuf de ferme au jambon ibérique ; Pastilla de pigeon, marmelade de tomates confites à l'harissa). Au registre des douceurs, son frère accorde ses violons au concerto familial. Avec la nouvelle déco des chambres et cette évolution culinaire, le Moulin entre réellement dans sa deuxième vie.